• Réseaux, flux, chaos, sérendipité

    Depuis la rencontre fortuite d'une machine à coudre et d'un parapluie sur une table de dissection, nous savons que la sérenpidité est créatrice, qu'elle est même une des bases essentielles de la création artistique mais cette rencontre, si elle est facile à dire en mots et en phrases, ce dont ne se sont pas privés les surréalistes est, dans le domaine de l'art pas si facile à réaliser car pour l'essentiel l'art crée des objets situés dans des lieux et des espaces donnés et donc, d'une façon certaine, condamnés à une certaine fixité et même à une certaine intangibilité. Toutes les institutions artistiques se sont créées autour de ce concept et il est presque impossible, pour un musée par exemple, d'imaginer qu'il puisse en être autrement, c'est-à-dire que les objets qu'ils proposent au regard changent sans cesse de forme, de place, de contexte; que de façon dynamique ils modifient leurs environnements créant ainsi des rencontres insolites et créatrices.

    La littérature, le roman davantage encore que la poésie qui, depuis des lustres essaie, sans y parvenir vraiment, de trouver des solutions à cette contrainte, est ainsi, à cause de la technologie particulière qui la diffuse — le livre —, prisonnière de la linéarité. Même si certains auteurs se sont efforcés de sortir de ce piège, ils sont, d'une part très peu nombreux et, d'autre part, encore massivement conditionnés par la ligne de la trame fictionnelle.

    Depuis peu — très peu au regard de l'histoire de la littérature — une nouvelle technologie est apparue qui, sur ce plan au moins, offre des possibilités inouïes répondant au mieux à la situation de l'époque actuelle qui ne peut plus croire à la linéarité des évolutions humaines mais est au contrainre consciente de son infinie complexité. Sur le réseau, un texte peut ne plus être conditionné par la ligne, la linéarité y est même une contrainte presque incompatible. Au contraire, comme le montrent à l'évidence les moteurs de recherche, le rapprochement entre textes ou fragments de textes se fait de façon soit sémantiques soit largement aléatoire. Deux textes peuvent être rapprochés parce qu'ils contiennent le même mot ou la même expression ce qui ne grantit en rien leur homogénéité sémantique, mais ils peuvent l'être aussi par diverses modalités de marquage: tags internes ou externes, liens implémentés, liens calculés, etc… La littérature d'aujourd'hui, notamment le roman, se trouve donc là devant un immense territoire de création encore vierge, inexploré sinon dans les marges. Mon projet d'hyperfiction se propose de le parcourir et d'utiliser au mieux les possibilités créatives qui s'y trouvent, découvrir des filons de littérature, en faire apparaître les minerais, les transformer en de nouveaux objets textuels… Mais l'écriture n'est pas seule, elle n'est même rien sans on symétrique, la lecture. Il s'agit donc, dans le même temps, de construire des outils de lectures adéquats à ces nouvelles possibilités d'écriture. Car ce qu'elles définissent c'est une non finitude des textes, chacun d'eux s'ouvre sur une infinité d'autres et cela dans un mouvement sans fin. Chaque lecture génère de nouvelles lectures. Il est donc temps d'apprendre à lire dans le monde numérique et de se défaire du confort relatif de la lecture linéaire.


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