• Gérer la complexité


    L'approche rationaliste de la connaissance s'est toujours basée sur les certitudes que la science avait pour but de construire. Cette approche déterministe permettait de construire des présentations fixes et progressives des apprentissages. La science contemporaine, à la suite de travaux comme ceux de Prigogine (théorie de l'irréversibilité des phénomènes), de Thom (théorie des catastrophes), de Mandelbrot (modélisation des fractales), renforcée par les mises en cause mathématiques de chercheurs comme Lobatchevsky (géométrie non euclidienne hyperbolique), Weierstrass (courbe continue sans tangente), Cantor (paradoxe sur les ensembles : l'ensemble de tous les ensembles est une notion contradictoire), Gödel (théorème d'incomplétude), Heisenberg (principe d'incertitude), Russell (définition autocontradictoire en mathématiques)... a montré que le déterminisme n'était une position tenable qu'à un niveau de macro-observation. la science contemporaine a ainsi introduit des notions telles que celles d'influence de l'observateur sur l'observé, de chaos déterministe ou de catastrophe. Dans ce cadre ou la certitude s'appuie essentiellement sur des lois statistiques et doit prendre en compte un certain niveau d'imprévisibilité, la connaissance ne peut plus être totalement considérée comme un corpus figé à transmettre, mais doit intégrer la prise en compte d'un ensemble de points de vue relativistes.

    L'approche ne peut plus être seulement analytique, elle doit obligatoirement intégrer des points de vue holistiques considérant les phénomènes dans leur globalité systémique avant de tenter de les décomposer. L'hypertexte -ou l'hypermedia, car la différence de dénomination n'est que technologique et par la suite, le premier terme désignera l'ensemble- peut être considéré comme une tentative pour instrumentaliser les connaissances complexes, au sens qu'Edgar Morin donne à ce terme (interview au Magazine Littéraire n°312, juillet-août 1993) : "La complexité est dans l'enchevêtrement qui fait que l'on ne peut pas traiter les choses partie à partie, cela coupe ce qui lie les parties, et produit une connaissance mutilée. Le problème de la complexité apparaît encore parce que nous sommes dans un monde où il n'y a pas que des déterminations, des stabilités, des répétitions, des cycles, mais aussi des perturbations, des tamponnements, des surgissements, du nouveau. Dans toute complexité, il y a présence d'incertitudes, soit empirique, soit théorique, et le plus souvent à la fois empirique et théorique." Prendre en compte la complexité dans le domaine des connaissances amène donc à revoir l'ensemble des technologies jusque là mises en œuvres pour leur transmission.

    L'hypertexte n'est rien d'autre qu'une des tentatives de technologiser le relativisme dans les constructions de savoirs, c'est-à-dire réaliser des instruments techniques d'apprentissage permettant de :

    - considérer un ensemble de connaissances comme un tout,
    - considérer que ce tout ne peut être, a priori, structuré par quelque hiérarchie que ce soit et donc prendre en compte sa complexité,
    - considérer ce tout comme un système, c'est-à-dire un ensemble d'éléments interreliés dans lequel toute action sur l'un quelconque des éléments a une influence sur l'ensemble des autres éléments constituants,
    - prendre en compte la notion d'observateur et celle de point-de-vue de l'observateur sur l'ensemble de connaissances constituées,
    - considérer la définition même des éléments constitutifs du système comme dépendante à la fois de l'observateur et du point-de-vue que cet observateur déploie sur l'ensemble de connaissances.

    Dans ce cadre, le problème des cheminements, de la prise en compte par les instruments d'appropriation des connaissances, donc des lectures des savoirs instrumentalisés par l'hypertexte est un problème crucial. En effet, il ne peut y avoir prise en compte ni de la position d'observation, ni du degré de relativsime des connaissances, à partir de lectures strictement pré-définies, non-évolutives donc autoritaires, c'est-à-dire couvertes par la caution d'une autorité indiscutable. L'hypertexte doit nécessairement intégrer du flou, du mou et de l'évolutif. Plus exactement il doit permettre des lectures intégrant la relativité, le point-de-vue et l'évolution de l'observateur.

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